jeudi 3 novembre 2011

Michael Powell et Emeric Pressburger

Article publié par Homero Vladimir Arellano
Michael Powell est encore aujourd’hui un de cinéastes les plus méconnus de l’histoire du cinéma. Son nom demeure surtout lié  au film  Le Voyeur, œuvre qui divisa la critique et le public. D’aucuns, notamment en France, louèrent son audace dans l’investigation de la morbidité sexuelle et en filigrane sa réflexion sur la création cinématographique. La critique anglaise fut beaucoup plus réticente.
Powell était un cinéphile cultivé. Il débuta dans le cinéma  en tant que scénariste et monteur, puis en 1930, avec l’arrivée du parlant, il tourna de petits bouts d’essai pour des producteurs anglais. Ces bouts d’essai devinrent de petits films, les « Quota Quickies ».
Entre 1931 et 1937, Powell en tourna vingt-trois.
Il réalisa son premier vrai film en 1937 : The Edge of The world. La démarche artistique de Michael Powell, très moderne et synthétique n'est jamais analytique. Son éclectisme vient de sa conception relativiste du monde.
C’est en 1939 que Michael Powell  commença sa collaboration avec Emeric PressBurger pour le film The Spy in Black. Cette association sera une symbiose totale à partir de 1943, lors de la fondation de leur maison de production: « The Archers ».  Les génériques porteront désormais la mention « Réalisation, scénario et production : Michael Powell & Emeric Pressburger ».
Le caractère hétéroclite de leur œuvre vient très probablement de son origine composite.
Les films sont écrits par Pressburger et mis en scène et dirigés par Powell.
L’intérêt de leur œuvre aujourd’hui est la relecture qu’elle propose de toute une page de l’histoire de l’art et de ses enjeux modernistes.
Des films pseudo réalistes des débuts (49e Parallèle, Un de nos avions n’est pas rentré, Colonel Blimp) au réalisme  des dernières œuvres (They‘re a weird Mob) en passant par le surréalisme (Une question de Vie ou de mort) voire un recours à l’épure visuelle (Le narcisse noir) ou à l’abstraction (Les contes d’Hoffman). Tel est le parcours exemplaire de la maturation de ces deux esthètes du septième art, dont l’un travaillait sur le sujet et l’autre sur le langage.
À partir de 1945 leur œuvre commune commença à s’éloigner du réel, avec le film I know where I’am going. L’histoire en est simple : une jeune femme quitte Londres pour se rendre dans une petite île de l’archipel mais une tempête la contraint à suspendre son voyage. Au sein de la petite communauté de pêcheurs dans laquelle elle échoue, elle remet en cause toute sa conception de l’existence… Pour eux, ce ne sont plus les êtres en tant qu’individus qui comptent mais les rapports entre leurs fantasmes et leurs névroses respectifs.
Dans Une question de vie ou de mort (1946), Powell développe jusqu’au bout l’argument surréaliste de l’amour fou si cher à Breton. Une belle mise en scène ou il joue avec les couleurs et l’image et utilise des plans d’une étourdissante modernité.
En 1947, le duo donne naissance à un autre chef-d’œuvre, Le narcisse noir, grâce auquel il nous offre une belle leçon de cinéma avec photos et cadrages très travaillés et une atmosphère très poétique et sereine.
En 1948, le tandem réalise son plus grand succès public : Les chaussons rouges d’après un conte d’Andersen.  Powell avoua ne pas avoir eu de connaissance précise en matière de chorégraphie en commençant à tourner Les chaussons rouges, pas plus qu’il n’en avait de l’opéra en faisant Les contes d’Hoffmann ; cela lui évita de tomber dans l’académisme…
Ces deux films marquent l’apogée formaliste du cinéma de Powell.
Après avoir réalisé avec Pressburger quelques films médiocres dans les années cinquante, Powell nous livra en 1960, son dernier chef-d’œuvre : Le voyeur, dans lequel il abandonne le formalisme pur de ses films précédents pour réaliser une œuvre surchargée et codée. Ce film est une réflexion sur son art.
« Je me sentais très proche du héros qui est un metteur en scène « absolu », quelqu’un qui aborde la vie comme un metteur en scène qui en est conscient et en souffre. C’est un technicien de l’émotion » déclara-t-il dans un entretien dans la revue Midi/ Minuit Fantastique.
Il réalisa en 1968 Age of Consent, film centré sur les rapports ambigus entre un peintre et son jeune modèle féminin.
L’œuvre de Powell et Pressburger  est le fruit de deux créateurs et expérimentateurs des plus originaux. Leur cinéma est un creuset d'où naquirent des œuvres inoubliables qui révolutionnèrent le septième art.

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